La renaissance planétaire de l’énergie nucléaire, au moins dans les déclarations et les intentions, est un phénomène sans précédent. Jamais dans l’histoire, une source d’énergie avait décliné et avait même été abandonnée avant de renaître de ses cendres. Le premier problème est celui des capacités techniques et humaines à mobiliser pour retrouver un rythme de construction d’équipements comparable aux années 1970, quand le nucléaire allait dominer la production d’électricité et chasser le charbon. Mais il y a encore plus compliqué : trouver dans le sous-sol et dans des conditions et à des prix acceptables suffisamment d’uranium pour alimenter les réacteurs existants et ceux qui doivent être construits.
Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), les réserves prouvées d’uranium dans le monde sont estimées à 6,1 millions de tonnes. Au rythme de consommation actuel, ces réserves permettraient de couvrir les besoins de l’industrie nucléaire pendant environ cent vingt ans. Mais si la production d’électricité nucléaire doit augmenter de manière très significative, l’annonce faite lors de la COP 28 par 22 pays est de tripler la production d’électricité nucléaire d’ici 2050, les réserves vont s’épuiser rapidement. Cela milite pour le développement des réacteurs de quatrième génération, dits à neutrons rapides, qui fonctionnent avec les déchets accumulés au fil des décennies par l’exploitation des réacteurs actuels.
Selon les projections de l’AIE (Agence internationale de l’énergie), la demande mondiale d’uranium devrait au moins doubler d’ici 2050. Elle sera alimentée par les programmes de construction de nouvelles centrales dans des pays comme la Chine, l’Inde ou la Russie, mais aussi en Europe.
Il n’y a pas le choix, il faut impérativement investir dans l’exploration et la production d’uranium avec cette difficulté que les ressources sont de plus en plus difficiles à trouver et ensuite à exploiter. Les gisements facilement exploitables le sont déjà. L’avenir du marché mondial de l’uranium est ainsi avant tout entre les mains des trois pays, l’Australie, le Kazakhstan et le Canada, qui possèdent plus de 50 % des réserves mondiales.
Mais même si les investissements pour exploiter ses réserves sont importants et se traduisent par une envolée des prix, c’est déjà le cas depuis un an avec le doublement des cours, l’impact du coût d’extraction de l’uranium sur les tarifs de l’électricité nucléaire restera relativement limité. Contrairement aux centrales fonctionnant avec les énergies fossiles (charbon, gaz, fioul), le coût du combustible est négligeable dans celui d’une centrale nucléaire. Le coût de fonctionnement d’une centrale nucléaire est en fait très inférieur à celui initial lié à sa construction.
Par définition aussi, les réserves prouvées ne sont pas une donnée figée. Quand on cherche, en général on trouve. Ainsi, les réserves d’uranium connues dans le monde ont augmenté d’environ 25 % au cours de la dernière décennie, notamment grâce aux progrès technologiques dans l’analyse des sous-sols.
Et si l’uranium du sous-sol est insuffisant ou s’il devient impossible pour de nombreuses raisons d’ouvrir de nouvelles mines, il existe encore une autre possibilité, l’uranium des océans. L’uranium est présent dans l’eau de mer à une concentration d’environ 3,5 parties par million. Cela représente théoriquement une quantité considérable, estimée à 30 milliards de tonnes. Toutefois, son extraction est complexe et coûteuse. Plusieurs pays ont mené des expérimentations, notamment les États-Unis, le Japon, la Chine et la France.
L’an dernier, une équipe de chercheurs de l’université de Stanford a annoncé avoir développé une nouvelle méthode d’extraction de l’uranium marin avec un rendement énergétique correct et à un prix compétitif.
Philippe Thomazo