La course au gigantisme des éoliennes va-t-elle finir par s’arrêter? Depuis 1999, une éolienne terrestre moyenne a vu sa puissance tripler, de 1 à plus de 3 mégawatts (MW), et sa hauteur de mât passer de 60 mètres à plus de 100 mètres. En mer, la course au gigantisme est encore plus spectaculaire et se heurte à moins d’opposition des populations locales et des autorités politiques. Les plus grandes dépassent aujourd’hui à la pointe de leurs pales 250 mètres de haut et produisent jusqu’à 15 MW… comme pour les 60 unités du parc écossais de Moray West. L’éolienne marine type est passée de 6 MW en 2016 à 12 MW aujourd’hui.
Un prototype chinois de 22 MW et 310 mètres d’envergure
Et la course à la taille ne ralentit pas. Le constructeur chinois Mingyang a présenté un prototype avec une capacité de production de 22 MW et un rotor d’un diamètre supérieur à 310 mètres. Mingyang a déjà mis sur le marché son modèle baptisé MySE 18.X-20MW. Il offre une capacité de production variable allant de 18 à 20 MW avec un rotor d’un diamètre allant de 260 à 292 mètres. Il est équipé d’une protection active contre les typhons.
Cette course s’explique avant tout par le fait que plus les éoliennes sont grandes, plus l’électricité produite est importante, plus elle est compétitive, et moins il faut en installer… C’est une évidence mais la taille des pales d’une éolienne détermine la quantité d’électricité qu’elle va produire.
Taille des éoliennes d’après le Département américain de l’énergie à côté de la silhouette de la statue de la liberté. La puissance des éoliennes est en MW (mégawatts) et leur taille en feet ou pied qui est l’équivalent de 0,3 mètre. Les éoliennes figurées à gauche sur un sol vert sont terrestres et celles à droite sont marines.
Deux fois plus longues, quatre fois plus puissantes
La puissance d’une éolienne augmente avec le carré du rayon balayé par ses pales. Une turbine dont les pales sont deux fois plus longues est théoriquement quatre fois plus puissante. Mais l’expansion de la surface balayée par le rotor exerce une plus grande pression sur l’ensemble de la structure et la masse des pales grandit à raison d’un multiple de trois de la longueur même si l’utilisation de matériaux synthétiques toujours plus légers et résistants réduit cela.
Et puis plus les pales sont longues, plus elles deviennent flexibles. Au-delà d’une certaine longueur, elles risquent d’entrer en collision avec la nacelle. Il y a également la question de l’usure des pales résultant de l’impact de la pluie et des projections d’eau de mer. Avec les technologies actuelles, la vitesse des extrémités des pales doit être limitée à 90 mètres par seconde, ce qui correspond à environ 300 kilomètres heure pour limiter leur usure. Au fur et à mesure que les éoliennes grandissent et que leurs pâles deviennent plus longues, leurs rotors doivent tourner moins vite. Les lois de la physique devraient donc finir pas imposer une taille limite aux éoliennes. Mais les ingénieurs ont de la ressource…
Une limite de 25 MW… aujourd’hui
Pour Luca Oggiano, chercheur à l’Institut norvégien des technologies énergétiques: « sur la base de la technologie actuelle, une turbine de 25 MW semble être la plus grande structure possible. Avec une approche holistique, une turbine et une sous-structure de 25 MW pourraient permettre de réduire le poids de 20% et les coûts de 16 % ». Mais commentant lors d’une conférence sa propre prédiction, M. Oggiano rappellait à son auditoire que les chercheurs avaient précédemment prédit que la taille maximale des éoliennes serait de 6 MW. « Dans cinq ans, nous aurons peut-être totalement tort ».
Les obstacles à des éoliennes toujours plus grandes sont physiques, techniques et aussi… économiques. Pour les éoliennes marines qui mènent la course au gigantisme, se pose d’ores et déjà la question des infrastructures portuaires et des rares bateaux à même de transporter et d’installer des nacelles de plus en plus lourdes et des pales de centaines de mètres
Les très grandes profondeurs sont aussi une limite. Car si la technique des éoliennes flottantes permet de repousser toujours plus loin des côtes les éoliennes géantes, mais personne n’est capable aujourd’hui de fabriquer en version flottante l’indispensable plateforme pour envoyer le courant à terre. Et puis il faut toujours enfouir dans le sol marin le câble qui ramène le courant au rivage. Et à quel prix?
Les constructeurs européens en danger
D’ores et déjà, la course à la taille des éoliennes s’est faite au prix d’une fragilisation économique des constructeurs européens, contraints de concevoir des machines toujours plus puissantes avant d’avoir rentabilisé les précédentes. Le patron du numéro un mondial, le groupe danois Vestas, a estimé l’an dernier que ses éoliennes étaient désormais assez grandes.
Comme l’écrivait déjà il y a 5 ans l’un des plus grands experts mondiaux de l’énergie, l’universitaire Vaclav Smil, : « il est plus utile d’explorer les limites probables de la capacité commerciale que de prévoir des maxima spécifiques pour des dates données. La puissance disponible des éoliennes est égale à la moitié de la densité de l’air (qui est de 1,23 kilogramme par mètre cube) multipliée par la surface balayée par les pales (pi multiplié par le rayon au carré) multipliée par le cube de la vitesse du vent. En supposant une vitesse du vent de 12 mètres par seconde et un coefficient de conversion énergétique de 0,4, une éolienne de 100 MW nécessiterait des rotors de près de 550 mètres de diamètre. Pour savoir quand nous disposerons d’une telle machine, il suffit de répondre à cette question : quand serons-nous capables de produire des pales de 275 mètres en plastique composite et en balsa, de concevoir leur transport et leur couplage à des nacelles suspendues à 300 mètres du sol, d’assurer leur survie dans des vents cycloniques et de garantir leur fonctionnement fiable pendant au moins 15 ou 20 ans ? Ce n’est pas pour demain. »