L’opposition grandissante, politique et sociale, à la transition énergétique à trois raisons majeures. La première est économique. Il n’y a pas de prospérité durable sans accès à une énergie abondante et abordable. La deuxième est la crainte du changement de mode de vie et de l’inconnu. Elle existe depuis toujours dans la psychologie humaine. Et la troisième et dernière, peut-être la plus importante, tient à la diffusion depuis des années sur les questions d’énergie dans les médias, par les faiseurs d’opinion, les lobbys et les militants, d’informations inexactes, tronquées et trompeuses. On ne peut pas répéter à l’envi que l’utilisation d’un véhicule 100% électrique ne présente pas quelques inconvénients par rapport à un véhicule thermique, que les pompes à chaleur fonctionnent parfaitement en toute saison et par tous les temps ou que l’électricité renouvelable intermittente éolienne et solaire est moins chère que celle produite par l’hydraulique ou le nucléaire.
La question des renouvelables et de leur coût réel est cruciale. Car la stratégie de transition repose en grande partie sur eux et de plus en plus sur le solaire au point que l’Union Européenne (EU) a décidé sciemment de sacrifier ce qu’il reste de son industrie de fabrication de panneaux pour profiter de ceux à prix cassés importés massivement de Chine. Il faut dire que l’EU veut déployer pas moins de 750 GW de capacités de production de panneaux photovoltaïques d’ici 2030 !
Il faut maintenant savoir que dans tous les pays où les renouvelables intermittents, éolien et solaire, ont pris une part grandissante dans la production électrique, les prix de l’électricité ont fortement augmenté. Et cela même, s’il y a une surproduction mondiale et surtout chinoise de panneaux photovoltaïques qui a conduit à un véritable effondrement des prix et une envolée des ventes. Selon un calcul fait par l’agence Bloomberg, les sept plus grands groupes chinois producteurs de panneaux solaires fournissent déjà plus d’énergie au monde que les sept plus grandes compagnies pétrolières privées occidentales.
La baisse continue et spectaculaire du prix des panneaux solaires depuis près de 50 ans
En dollars par watt. Source Our World in Data.
Mais il faut bien comprendre que le coût des panneaux solaires n’est qu’une partie de l’équation, une réalité souvent oubliée ou passée sous silence. Prenons l’exemple de l’Allemagne qui a produit plus de 50% de son électricité l’an dernier avec les renouvelables (éolien, solaire, biomasse et hydraulique).
Les fluctuations ingérables des prix instantanés de l’électricité
Lorsque de l’électricité solaire est intégrée en priorité dans un réseau existant, les prix instantanés fluctuent de façon spectaculaire mais les coûts pour les consommateurs augmentent presque toujours. En l’espace de 10 heures, les prix de l’électricité au cours d’une journée en Allemagne ont ainsi parfois enregistré des variations de plus de 150 euros par MWh. Au point que l’an dernier, dans 301 des 8.760 heures de transactions sur les prix de gros de l’électricité les cours ont été négatifs… Cela soumet les acteurs du marché à des contraintes et à des dépenses extrêmes qui se répercutent inévitablement sur les consommateurs. L’Allemagne dépend encore largement de ses centrales à charbon, notamment en hiver quand il y a moins de solaire. Les coûts fixes liés à l’exploitation et à la maintenance de ces installations restent à la charge du réseau, quelle que soit la capacité solaire installée. Et même si ces coûts ne sont jamais imputés à ceux de l’énergie solaire, cela ne les rend pas moins réels.
Et quand les conditions sont plus favorables, au printemps, en été, produire plus d’électricité photovoltaïque que nécessaire pose autant de problèmes que de ne pas en produire assez. Cela contraint, les renouvelables étant prioritaires, à réduire la capacité de production de base et donc à renchérir son coût de production.
Le nucléaire français affecté
C’est pour cela que le problème se pose à l’échelle européenne et affecte le nucléaire français. La France possède l’un des réseaux électriques les plus décarbonés au monde, à plus de 92%. Plus 70% de l’électricité du pays provient de son parc nucléaire, presque totalement décarboné, et encore plus de 20% de l’hydraulique, de l’éolien et du solaire également décarbonés. Moins de 7% de l’électricité produite l’est avec des combustibles fossiles, en l’occurrence du gaz. Pourtant, la France a quadruplé sa capacité solaire depuis 2014 et ce n’est qu’un début. Le parc nucléaire français est affecté par la volatilité de cette production ce qui le contraint de plus en plus souvent à réduire sa production, mettre des centrales à l’arrête ou vendre une partie de l’électricité produite à n’importe quel prix sur le marché européen.
Même si les réacteurs d’EDF ont été conçus avec un certain degré de flexibilité, ce qui n’est pas souvent le cas à l’étranger, ces développements sont considérés « avec une extrême prudence », a expliqué diplomatiquement il y a quelques mois Cédric Lewandowski, directeur de la production nucléaire et thermique du groupe public à l’occasion d’une audition au Sénat. « Il n’est pas rare que les exploitants nucléaires réduisent leur production lorsque la demande est faible et que l’offre d’énergie solaire et éolienne augmente, mais il est rare que les unités soient complètement arrêtées en raison du temps qu’il faut pour les remettre en route et des complexités que cela implique. Ce que nous redoutons le plus, ce sont les arrêts de réacteurs », a expliqué Cédric Lewandowski.
En Californie aussi
Aux Etats-Unis aussi, la Californie expérimente les dommages collatéraux du solaire photovoltaïque. Aucun État américain n’a promu autant le solaire qui assure près de 38% de sa production d’électricité. Il faut dire que les conditions météorologiques en font un lieu presque idéal pour le déploiement de l’énergie solaire avec un ensoleillement important associé à un profil de demande d’électricité qui culmine pendant la journée avec l’importance de l’air conditionné. L’électricité doit donc être très peu chère dans cet État. Pas du tout ! La Californie a les prix de l’électricité les plus élevés des 48 États contigus des Etats-Unis (l’Alaska ou Hawaï sont confrontés à d’autres contraintes).
Comment les promoteurs du solaire proposent de surmonter ces dommages collatéraux du photovoltaïque ? Ils évoquent trois solutions assez difficiles ou encore plus coûteuses à mettre en œuvre… A savoir, transporter de l’électricité sur de très longues distances entre les zones où la production est surabondante et celle où la demande est forte avec, par exemple, des câbles électriques sous-marins géants. Stocker l’électricité produite en surplus via la production d’hydrogène par électrolyse, les STEPs (Stations de transfert d’énergie par pompage) et les batteries et la réinjecter dans le réseau quand cela est nécessaire. Enfin, contraindre les consommateurs, entreprises comme particuliers, à déplacer leur demande vers les heures où l’électricité intermittente est en général abondante.
En fait, le problème est simple. Le mantra selon lequel l’énergie solaire est bon marché n’est qu’une autre variante de la légende urbaine selon laquelle le monde peut se décarboner sans en payer le prix et sans diminution du niveau de vie.