<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Utopie: des autoroutes énergétiques sous-marines

3 juillet 2024

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : subsea-cable
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Utopie: des autoroutes énergétiques sous-marines

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La construction de câbles électriques géants sous-marins permettant de transférer de l’électricité bas carbone à une vitesse proche de celle de la lumière sur des milliers de kilomètres des lieux de production vers les lieux de consommation est une idée qui fait son chemin. Elle permettrait, au moins en partie, de surmonter le problème de l’intermittence de certaines productions renouvelables, notamment éoliennes et solaires. La société Etchea Energy travaille ainsi sur un projet de câble électrique géant sous-marin transatlantique. Et les projets de ce type se multiplient entre la Chine et le Chili, l'Australie et Singapour, le Royaume-Uni et le Maroc, la Grèce, Chypre et Israël ou l’Inde et l’Arabie Saoudite.

La principale stratégie adoptée pour limiter les émissions de gaz à effet de serre consiste à décarboner la production d’électricité et pousser dans le même temps à l’électrification des usages dans les transports, l’industrie et le chauffage et la climatisation. Parmi les multiples problèmes que cela pose, il y a celui du caractère intermittent et aléatoire de la production d’électricité bas carbone quand elle fait appel aux renouvelables éoliens et solaires. En clair, avec le solaire et l’éolien, il y a soit trop d’électricité, soit pas suffisamment. Ce qui contraint pour équilibrer les réseaux électriques entre production et consommation, qui doivent l’être en permanence, à pouvoir s’appuyer sur des capacités de production dites de base, comme le nucléaire qui est décarboné et pas renouvelable, ou des capacités dites pilotables qui sont mobilisables rapidement hydrauliques ou fossiles (centrales à gaz ou au charbon).

Transporter l’électricité renouvelable sur des milliers de kilomètres

Tant que l’électricité ne se stockera pas à grande échelle de façon efficace et économiquement acceptable, ce problème ne sera pas vraiment surmonté. Rappelons qu’en fait l’électricité ne se stocke pas vraiment, elle se transforme mécaniquement, en remplissant par exemple des barrages avec des pompes (STEP), ou chimiquement via des batteries ou la fabrication d’hydrogène par électrolyseur.

Mais il existe une autre solution. Elle consisterait à permettre le transport de l’électricité renouvelable produite sur de très longues distances, des milliers de kilomètres, depuis les régions de production vers les régions de consommation. Cela permettrait, entre autres, d’utiliser les décalages horaires entre pics de production et pics de consommation. Les heures de production maximale notamment solaires sont la plupart du temps différentes des heures de demande maximale. Les habitations allument leurs éclairages, leurs chauffage ou climatisation et leurs équipements ménagers au moment où le soleil se couche.

A une vitesse proche de celle de la lumière

Cela implique de transporter l’énergie renouvelable de là où elle n’est pas nécessaire vers les endroits où elle l’est via des câbles sous-marins géants. Tandis que le soleil brille intensément sur l’Europe, par exemple, l’excédent d’électricité décarbonée produite pourrait être envoyée à travers l’océan Atlantique et à une vitesse approchant celle de la lumière aux personnes qui se réveillent tout juste, allument les lumières et mettent en marche leurs équipements sur la côte est des États-Unis.

« Lorsque le soleil est à son zénith, nous avons probablement plus de puissance en Europe que ce dont nous avons vraiment besoin » expliquai récemment Simon Ludlam, fondateur et Pdg d’Etchea Energy, sur CNN. Etchea Energy travaille sur un projet utopique de câble électrique transatlantique géant. Il s’agirait de la plus grande interconnexion énergétique sous-marine au monde reliant l’Europe et l’Amérique du Nord à l’aide de trois paires de câbles à haute tension. Les câbles s’étendraient sur plus de 3.000 kilomètres posés sur le fond de l’océan Atlantique pour relier l’ouest du Royaume-Uni à l’est du Canada et potentiellement New York à l’ouest de la France.

Courant continu

Ils pourraient transporter sous l’Atlantique et dans les deux sens 6 gigawatts d’énergie à la vitesse de la lumière ou presque. Compte tenu des frictions, la vitesse de déplacement de l’électricité dans un câble est de 200.000 kilomètres à la seconde et la vitesse de la lumière est de 300.000 kilomètres à la seconde. Ces câbles transportent généralement du courant alternatif pour le transport d’énergie sur de courtes distances et du courant continu, qui offre une bien meilleure efficacité électrique, pour les distances plus longues.

« Nous avons du vent et nous avons aussi trop de solaire. C’est un bon moment pour l’envoyer vers un centre de demande, comme la côte est des États- Unis. Cinq, six heures plus tard, c’est le zénith sur la côte est, et évidemment, nous en Europe revenons pour dîner, et nous obtenons le flux inverse », ajoute Simon Ludlam.

Multiplication de projets

Ce n’est pas seulement une utopie ou un rêve. Il existe déjà des câbles électriques sous-marins en fonctionnement, entre le Royaume-Uni et la Norvège sur 720 kilomètres, entre le Royaume-Uni et la France, le Royaume-Uni et le Danemark… Des projets bien plus ambitieux sont à l’étude entre la Chine et le Chili, l’Australie et Singapour, le Royaume-Uni et le Maroc, la Grèce, Chypre et Israël ou l’Inde et l’Arabie Saoudite. Ils pourraient un jour créer un « réseau électrique planétaire ».

En tout cas, le secteur des câbles électriques sous-marins semble promis à un bel avenir. Selon certaines estimations, ce marché pourrait représenter pas moins de 32,86 milliards de dollars d’ici 2032.

De sérieux obstacles

Evidemment, développer de telles infrastructures n’est pas sans obstacles et inconvénients. Construire ses câbles demande des investissements lourds difficiles à rentabiliser. Les câbles sous-marins de communication coûtent généralement entre 30.000 et 50.000 dollars par kilomètre, tandis que les câbles électriques sous-marins coûtent plus de 2,5 millions de dollars par kilomètre.

Il faut aussi tenir compte des pertes d’énergie qui augmentent considérablement avec la distance. Enfin, ils pourraient être vulnérables à des sabotages. Mais l’idée d’avoir un réseau électrique mondial est séduisante, au moins sur le plan intellectuel.

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