La question des prix de l’électricité est au cœur des problématiques économiques et sociales depuis un peu plus de 2 ans et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Souvent, pour annoncer de mauvaises nouvelles aux consommateurs, entreprises comme particuliers, avec des augmentations successives. La dernière, au premier février dernier, était de 10%. Elle ne concernerait pas les prix de l’électricité en général, mais le tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE), accessible à la fois aux particuliers, aux toutes petites entreprises et à certaines petites collectivités. On mesure ainsi son importance.
Il est réévalué deux fois par an, au 1er août et au 1er février de chaque année. Mais comment est-il établi ? Il n’est pas construit uniquement à partir du prix d’achat de l’électricité. Il faut y ajouter des taxes regroupées pour une part au sein des accises sur l’électricité, la TVA, les coûts d’acheminement pour financer le réseau de transport et enfin les coûts de distribution (TURPE).
Des taxes sur les taxes
Concernant les taxes, la TVA est stable et ne devrait certainement pas bouger. Elle est fixée à 20% et s’applique sur l’ensemble du prix, accises comprises. On paye ainsi des taxes sur les taxes, une spécialité française…
Concernant les accises, avant la crise énergétique de 2022 elles étaient fixées à 31€/MWh. Face à l’envolée des prix de l’électricité, ce prix avait été fortement baissé à 1€/MWh le 1er février 2022. La baisse des prix de l’électricité après la crise de 2022 a permis au ministère de l’Economie de les remonter à 21€/MWh depuis le 1er février 2024. Le ministre de l’Economie, Bruno le Maire, a annoncé que le rattrapage total sera fait au 1er février 2025. Pour autant et compte tenu des difficultés budgétaires du pays, on ne peut pas exclure que les accises retrouvent plus rapidement leur niveau d’avant la crise, Bercy pouvant profiter de la détente qui se poursuit sur les marchés de gros de l’électricité.
Il n’y a en revanche aucun doute sur le fait que le TURPE est amené à augmenter. RTE (Réseau de transport d’électrictés) annonçait il y a quelques semaines estimer à 100 milliards d’euros les investissements nécessaires sur le réseau électrique du pays au cours des 15 prochaines années. Une partie des travaux seront effectués et financés par le privé et une autre partie est déjà budgétisée. Mais pour parvenir aux 100 milliards d’euros d’investissements, il faudra augmenter le TURPE de 10 et 15€/MWh. On peut donc anticiper sans trop de risques de se tromper une augmentation des « frais fixes » de l’électricité comprise entre 10 et 25€/MWh hors taxe, à court terme.
Une formule d’une rare complexité digne de l’administration française…
En revanche, du côté des prix de l’électricité proprement dite les perspectives sont plus réjouissantes. Au cours des deux dernières années, la part fourniture du TRVE a augmenté de plus de 60 euros, passant de 71,7€/MWh en 2021 à 136,8€/MWh en 2022 et 2023. Cette somme est calculée avec trois variables.
La première correspond à l’usine à gaz de l’ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Rappelons que ce dispositif absurde concocté par les brillants esprits de Bercy a créé une concurrence totalement artificielle sur la distribution de l’électricité en France dont le consommateur n’a jamais vraiment bénéficié et au seul détriment d’EDF. Depuis 2011, EDF est contraint de vendre une partie de son électricité nucléaire (100 TWh/an environ un tiers de la production) au prix cassé de 42 euros le MWh à ses concurrents fournisseurs alternatifs, qui devaient, en théorie, le répercuter sur les factures des consommateurs. Ces 42€ MWh représentent environ 45% du prix final du tarif réglementé.
La deuxième composante correspond au mécanisme d’écrêtement de l’ARENH. C’est-à-dire le coût d’achat sur les marchés de la différence entre la quantité d’ARENH demandée et celle accordée. Après un pic à 38% en 2022, cet écrêtement s’est réduit à 32% en 2023 et à 23% en 2024. Cela signifie que cette année il y a eu environ 130 TWh de demande d’ARENH pour un volume fourni de 100 TWh, représentant 77% de la demande.
Les demandeurs ont eu un mois à partir de la validation de leur crédit ARENH pour acheter le complément sur les marchés à un prix supérieur. La réduction de l’écrêtement entraîne donc mécaniquement une baisse des besoins de financement pour le couvrir.
La troisième et dernière part du tarif réglementé qui représente environ un tiers du prix est calculée à partir d’un savant calcul comprenant la moyenne des prix de l’électricité des 24 derniers mois qui est ensuite lissé à partir d’une référence des prix sur les 12 derniers mois. Pour finir, les trois parts sont pondérées et une moyenne est faite pour obtenir le tarif définitif du TRVE. L’administration française dans toute sa splendeur…
Le tarif pourrait revenir à terme autour de 20 centimes le kWh
Avec une telle formule de calcul, il ne fait pas s’étonner de l’inertie de ce tarif réglementé. Il met ainsi beaucoup de temps à répliquer les hausses constatées sur le marché et autant de temps à répercuter les baisses.
Comment cela va se traduire en août 2024 et en février 2025 ? Le fait d’inclure dans le calcul les 24 derniers mois va avoir une grande importance pour ses deux prochaines réévaluations. Les données seront en partie celles de l’année 2022, l’anus horribilis, au cours de laquelle les prix ont atteint des sommets jamais atteints. En revanche, leur sortie de la formule de calcul entraînera, en plus de la baisse de l’écrêtement déjà constatée, une baisse sensible de la troisième part. Cela signifie qu’il ne faut pas attendre de miracles cette année, mais qu’en 2025 le tarif devrait sensiblement baisser. Lors des 12 à 18 prochains mois, il est probable que l’on retrouve une part fourniture proche des prix de 2021, soit 75€/MWh, ce qui représenterait une baisse de 60€/MWh.
Cumulée avec la hausse prévisible des autres frais qui devrait être au maximum de 25€/MWh, cela entraînerait une baisse cumulée d’environ 40€/MWh, ce qui additionné de la TVA, ferait une baisse de 48€/MWh à moyen terme. Le tarif réglementé devrait donc progressivement se rapprocher des 20 centimes/kWh que l’on a connu à la fin des années 2010. Et fermer définitivement la parenthèse des années de crise du prix de l’électricité.
Philippe Thomazo