A quoi aura réellement servi la COP28 si ce n’est à permettre à près de 90.000 participants, appartenant à des institutions internationales, des gouvernements, des ONG et des médias, de prendre l’avion pour Abou Dhabi et de montrer pourquoi ce qu’ils font est important et comment ils vont sauver le monde. Et il y aura eu, comme toujours, beaucoup de spectacle, un suspense insoutenable sur le communiqué final, et quelques grandes promesses absolument intenables. Comme par exemple celle faite par 22 pays de tripler d’ici 2050 leur production d’électricité nucléaire…
« La COP28 a été prise en otage… »
En fait, la COP28 aura surtout servi à une chose à en croire une enquête de l’ONG Global Witness, permettre aux Emirats arabes unis (Abou Dabi, Ajman, Charjah, Dubaï, Fujaïrah, Ras el Khaïmah et Oumm al Qaïwaïn), les hôtes du grand barnum de décembre dernier, de multiplier par cinq en 2023 les contrats pétroliers signés par ADNOC (Abou Dhabi National Oil Company), la compagnie publique des émirats arabes unis.
« Il ne faut pas se leurrer, la COP28 a été prise en otage par les intérêts de l’industrie des combustibles fossiles… Plus inquiétant encore, la COP28 semble avoir fourni aux autres États pétroliers un sinistre manuel de jeu à copier et à coller. Tandis que les Émirats arabes unis passent le relais à l’Azerbaïdjan [hôte de la COP29], nous envisageons désormais la possibilité que plusieurs COP consécutives soient détournées dans l’intérêt des grands pollueurs et de leurs profits », affirme Patrick Galey, enquêteur de Global Witness.
Fuites de documents et démenti
Il faut dire que celui qui était le grand ordonnateur de la COP28, le Sultan Ahmed al-Jaber, est aussi le Président d’ADNOC. C’est pratique. Et les recettes provenant des hydrocarbures assurent 80% des dépenses publiques des sept émirats unis…
Déjà en novembre 2023, à la veille de la COP28, la BBC avait fait état de fuites de documents révélant l’intention des dirigeants des Emirats de profiter de l’évènement pour organiser une trentaine de rencontres et de négociations avec des acheteurs potentiels de leurs produits pétroliers. Cela a été plus que confirmé par Global Witness. Selon ses calculs, ADNOC aurait ainsi conclu 20 contrats pétroliers, gaziers et pétrochimiques internationaux d’une valeur de près de 100 milliards de dollars en 2023, cinq fois plus que l’année précédente. Non seulement, ce chiffre est cinq fois supérieur à la valeur des contrats conclus en 2022 mais aussi 40% plus élevé que celui des quatre années précédentes combinées.
Mais ADNOC dément avoir utilisé la COP28 pour conclure des accords commerciaux. « Ce dernier rapport de Global Witness tente de recycler de vieilles allégations et de faire des déclarations négatives, trompeuses et inexactes », a déclaré un porte-parole de la compagnie. « Les allégations inventées sur des conversations qui n’ont jamais eu lieu et qui tentent de discréditer le travail acharné et les réalisations extraordinaires de la présidence ne méritent pas d’être prises en considération ».