Le G7, le « syndicat » des pays occidentaux avec leur allié le plus proche qui est le Japon, à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Italie, la France, l’Allemagne, le Canada et donc le Japon, a rendu public il y a quelques jours à Turin en Italie un accord visant à mettre fin à l’utilisation du charbon pour la production d’électricité d’ici à 2035. Le G7 représente, selon les données du FMI (Fonds monétaire international), 44% de l’économie mondiale.
L’annonce de cet accord a été saluée par un petit nombre de groupes écologistes, mais pas tous, à l’image de Greenpeace jugeant sans surprise que c’est « trop peu, trop tard ». On peut donc se demander si ce qui est avant tout une opération de communication a vraiment servi à quelque chose, d’autant plus que sur le fond passer de la parole aux actes s’annonce bien plus difficile qu’il n’y parait.
Encore 15% de la production électrique des pays du G7
Le charbon était l’an dernier la quatrième source de production d’électricité des économies du G7 représentant environ 15% du total, selon les données de l’organisation Ember. Le charbon vient ainsi derrière le gaz naturel (34%), le nucléaire (18%), les renouvelables (18%), mais est devant l’hydraulique (11%). A l’échelle mondiale, le charbon reste, et cela est souvent oublié, la première source d’énergie permettant de produire de l’électricité et satisfait 37% de la demande.
Les deux pays les plus peuplés de la planète, la Chine et l’Inde, sont extrêmement dépendants du charbon et n’entendent pas y renoncer. Ils continuent à investir dans la construction de nouvelles centrales et ce n’est pas seulement une question de coût et de facilité. C’est aussi un enjeu de sécurité d’approvisionnement, de souveraineté et de millions d’emplois. La Chine et l’Inde ont bien compris qu’il n’y a pas de croissance économique prolongée sans accès à une énergie abondante et abordable.
La Chine est le premier producteur au monde d’hydroélectricité, d’électricité solaire, d’électricité éolienne et surtout de charbon. Elle compte pour plus de la moitié de la production mondiale (55%). La production d’aucune autre forme d’énergie est dominée à ce point par un seul pays que le charbon par la Chine où il représente près de 60% de la consommation totale d’énergie ; moins de 17% en moyenne pour le reste du monde.
La situation de l’Inde présente beaucoup de similitudes avec celle de la Chine. L’Inde était l’an dernier le deuxième importateur mondial de charbon (172 millions de tonnes) derrière la Chine (325 millions de tonnes). Le charbon assure plus de 70% de la production d’électricité du pays et sa consommation a augmenté de 8% l’an dernier.
Le plus difficile est encore à faire
La situation des pays riches est évidemment très différente. Ils ont déjà fait une grande partie du chemin pour se passer progressivement du charbon qui représentait une bien plus grande partie de leur mixte électrique il y a plusieurs décennies. En 1985, c’était 40% de l’électricité consommée dans l’Union Européenne et l’an dernier 18%. Mais cela signifie aussi que le plus facile a été fait et que le plus difficile est à venir. Surtout pour des pays comme l’Allemagne et le Japon qui tirent respectivement encore 25% et 29% de leur électricité du charbon. Ce qui n’est pas le cas de la France qui grâce à son parc de centrales nucléaires est le pays du G7 qui utilise le moins le charbon, moins de 0,2% de la production électrique en 2023. Mais pour rendre l’engagement plus crédible, notamment de l’Allemagne et du Japon, l’accord comporte une astuce ou une tricherie, selon les points de vue.
Capture et stockage du carbone
Toutes les centrales électriques au charbon et au gaz devront d’ici 2035, soit avoir installé des systèmes de capture et de stockage ou de réutilisation du carbone, soit fermer. Reste à savoir, si cela est possible en une décennie et les conséquences que cela aura sur le marché mondial du gaz. Pour pouvoir fermer ses centrales au charbon, l’Allemagne a lancé un projet massif de construction de centrales à gaz potentiellement convertibles à l’hydrogène.
Il faut aussi souligner que l’augmentation rapide de la production d’électricité renouvelable intermittente, via les parcs éoliens et photovoltaïques, ne permet pas en fait de se passer des centrales thermiques, au charbon ou à gaz. La production d’électricité de ses renouvelables étant par nature intermittente et aléatoire, il est indispensable pour équilibrer les réseaux d’avoir en permanence des moyens de production d’électricité redondants dits pilotables. Ainsi, par exemple, le Royaume-Uni, qui ne produit qu’une petite partie de son électricité à partir du charbon, a dû rouvrir une centrale pendant une période de faible production d’énergie éolienne faute de vent il y a près d’un an.
Impact indirect sur les cours du charbon
Et le nucléaire n’offre pas une solution suffisamment rapide pour tenir le calendrier de 2035. Même si le Japon a entrepris de remettre en service peu à peu l’essentiel de son parc nucléaire mis à l’arrêt après l’accident de Fukushima en 2011. En tout cas, la construction d’un réacteur nucléaire de forte puissance prend au moins une dizaine d’années.
Il y a enfin un impact indirect difficile à mesurer de l’éventuel arrêt de la consommation et donc des importations de charbon par certains pays du G7 comme le Japon qui en achète environ 110 millions de tonnes par an. Cela peut contribuer à faire baisser les cours du charbon et donc à inciter les pays qui continuent à l’utiliser intensivement et à construire des centrales à charbon, comme la Chine, l’Inde ou l’Indonésie à en consommer encore plus.