L’accélération de la relance de l’énergie en Europe commence à se traduire dans les faits. Après avoir lancé la construction, tant bien que mal, de la première version des réacteurs EPR de troisième génération en Chine (deux à Taishan), en Finlande (un à Olkiluoto), en France (un à Flamanville) et au Royaume-Uni (deux à Hinkley Point), EDF a déposé une offre pour construire quatre réacteurs de son modèle amélioré EPR2 en République Tchèque. Sur les EPR dits de première génération, seuls ceux de Taishan et d’Olkiluoto sont aujourd’hui opérationnels et celui de Flamanville devrait entrer en service dans les prochaines semaines. Ceux de Hinkley Point dont la construction a été lancée plus tard et qui accumulent aussi les retards et les surcoûts produiront de l’électricité, si tout va bien, en 2029 ou 2030.
Les offres de Westinghouse, Rosatom et CGN éliminées
Il est par ailleurs prévu que six EPR2 au moins (éventuellement jusqu’à 14) soient construits en France et les commandes des six premières cuves viennent d’être faites à Framatome. Le modèle d’EPR2 proposé à la République Tchèque dit EPR1200 est un peu différent et notamment moins puissant (1200 MW) au lieu de 1670MW. EDF est en concurrence finale avec le groupe sud-coréen KHNP et son réacteur APR1000. Le gouvernement tchèque avait auparavant éliminé les offres de l’américain Westinghouse, du russe Rosatom et du chinois CGN.
Prague avait lancé un appel d’offres en 2022 pour la construction d’un seul nouveau réacteur, mais l’a depuis élargi à quatre unités qui seront construites dans les enceintes de ses centrales de conception soviétique de Temelin (voir la photographie ci-dessus) et Dukovany. Les contrats devraient être signés d’ici le 31 mars 2025 et le premier réacteur opérationnel en 2036.
« Effet de flotte »
Pour Luc Rémont le Pdg d’EDF, adopter l’EPR 1200 « constituera un précédent pour notre continent, pivot d’une industrie nucléaire européenne davantage résiliente et indépendante… En rejoignant la communauté européenne de l’EPR, la République tchèque bénéficiera, selon M. Rémont, d’un effet de flotte important et des multiples synergies industrielles entre les programmes nucléaires actuels et futurs en France, au Royaume-Uni et au-delà ». Reste à savoir si EDF aura les moyens financiers et humains d’ajouter quatre nouveaux réacteurs à son programme déjà chargé de construction.
Le groupe énergétique public CEZ exploite actuellement six réacteurs nucléaires dans les deux centrales situées dans le sud du pays. Elles ont produit l’année dernière environ 40% de l’électricité de ce pays de 10,9 millions d’habitants.
Cela avance aussi du côté des SMRs avec Jimmy Energy
La compétition existe aussi dans le domaine des SMRs (petits réacteur modulaires). Et dans la course de vitesse pour développer en France un SMR, ce n’est pas EDF qui a gagné avec son projet Nuward mais la start-up Jimmy Energy. Elle a déposé cette semaine auprès du gouvernement la première demande d’autorisation en France pour un micro-réacteur destiné à alimenter des installations industrielles, une étape qui lance le processus d’instruction de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).
Si le dossier franchit toutes les étapes d’instruction et d’autorisation, le micro-réacteur d’une puissance de 10 mégawatts (MW) pourrait être installé sur le complexe industriel du groupe sucrier Cristal Union/Cristanol de Bazancourt (Marne), qui produit de l’alcool et du bioéthanol. Le réacteur de Jimmy Energy exploite la technologie très éprouvée dite Graphite-Gaz. Déclinés en deux modèles d’une puissance respective de 10MW et 20MW, les micro-réacteurs sont conçus pour remplacer les brûleurs à gaz massivement utilisés par l’industrie. « On propose un générateur qui s’adapte sur n’importe quel site industriel qui consomme de la vapeur pour en faire une source de chaleur, moins chère que le gaz et décarbonée », explique Antoine Guyot, le cofondateur de Jimmy Energy.