Le marché du GNL (Gaz naturel liquéfié) a pris une nouvelle dimension et importance après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Transporter le gaz naturel par méthanier est devenu le moyen essentiel pour les pays européens pour remplacer le gaz russe transporté par gazoducs. A fortiori quand les gazoducs NordStream 1 et 2 ont été détruits par des opérations de sabotage spectaculaires en septembre 2022.
Le marché du GNL était jusqu’en 2022 avant tout concentré sur l’Asie et deux des trois principaux pays producteurs, les Etats-Unis et le Qatar, le troisième étant l’Australie, ont trouvé de nouveaux clients prêts en 2022 à payer n’importe quel prix ou presque pour éviter la pénurie.
Principaux gagnants sur le marché gazier de l’invasion de l’Ukraine
Quinze mois plus tard, les États-Unis sont le principal bénéficiaire de la destruction des deux gazoducs russes Nord Stream 1 et 2, qui passaient par la mer Baltique pour rejoindre l’Allemagne. Et ils vont l’être avec le Qatar pour de nombreuses années ayant investi massivement dans l’augmentation de leurs capacités de production et de liquéfaction.
En 2023, la performance à l’exportation la plus spectaculaire a été celle des Etats-Unis qui sont devenus tout simplement le premier exportateur mondial de GNL, dépassant pour la première fois le Qatar et l’Australie.
Plus de 91 millions de tonnes d’exportations de GNL
Les données compilées par l’agence Bloomberg montrent que les États-Unis ont exporté 91,2 millions de tonnes de GNL en 2023. Un niveau record rendu possible par le redémarrage du terminal d’exportation de GNL de Freeport au Texas, qui avait été fermé pendant des mois à la suite d’une explosion en juin 2022.
Les États-Unis ont dépassé le Qatar, premier exportateur mondial de GNL depuis des années et dont les volumes exportés l’an dernier ont baissé de 1,9 % pour la première fois depuis 2016. L’Australie occupe la deuxième place devant le Qatar.
Des investissements massifs aux Etats-Unis, au Qatar et dans le Golfe Persique
Les États-Unis n’ont pourtant rejoint le marché des exportations de GNL qu’en 2016 pour écouler leur production nationale surabondante de gaz de schiste. Aujourd’hui, la plupart des exportations américaines de GNL sont dirigées vers l’Europe et plus particulièrement les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France.
Et les Etats-Unis ne comptent pas s’arrêter là. Deux nouvelles installations devraient entrer en production. Celle de Plaquemines de Venture Global LNG Inc. en Louisiane et celle de Golden Pass au Texas, une coentreprise entre Exxon Mobil et QatarEnergy… À pleine capacité, les deux projets ajouteront 38 millions de tonnes supplémentaires par an aux capacités de production américaines.
Les projets de développement des capacités de production de GNL ne concernent pas seulement les Etats-Unis. Le Qatar a lancé des investissements encore plus importants pour retrouver sa place de premier exportateur mondial et augmenter les capacités des champs nord, précisément North field east et North field south, du plus important gisement de gaz au monde que le Qatar partage dans le Golfe persique avec l’Iran. Une première phase de développement doit permettre d’augmenter la capacité de production du Qatar de 43%, passant ainsi de 77 à 110 millions de tonnes par an d’ici 2025. Une deuxième phase fera passer d’ici 2027 la capacité de production de 110 à 126 millions de tonnes, soit une augmentation totale de 64%. Ce n’est pas pour rien si Doha et TotalEnergies ont signé en octobre 2023 deux accords majeurs d’approvisionnement en GNL pour une durée de 27 ans…
Au total, selon l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis 64 millions de tonnes de capacités supplémentaires de liquéfaction annuelle seront mises en service d’ici 2026. Il n’y a pas de précédent à une telle rapidité dans l’histoire de l’industrie mondiale du gaz. Uniquement dans le golfe Persique, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Oman se sont mis aussi à développer des projets d’exportation de GNL. Et dans le même temps, l’Europe va considérablement augmenter ses capacités de regazéification, de largement plus de 50 millions de tonnes par an d’ici 2027 d’après une étude du cabinet Wood Mackenzie.