L’avenir de l’industrie énergétique européenne (et américaine) vient à nouveau de s’assombrir. Elle n’avait pas vraiment besoin de cela. Dans sa transition à marchées vers les sources d’énergie bas carbone, une des clés de sa capacité à faire face à la concurrence chinoise tient à la possibilité d’alimenter ses usines en métaux et minéraux critiques, notamment en terres rares, sans dépendre de l’industrie chinoise qui contrôle de fait leur production et leur raffinage. Les 17 éléments qui constituent les terres rares possèdent des propriétés magnétiques, électroniques, optiques et catalytiques exceptionnelles, particulièrement utiles pour les technologies de la transition énergétique. Aujourd’hui, leur consommation est principalement soutenue par le secteur des aimants permanents, composés pour partie de terres rares, notamment du néodyme et du praséodyme et dans une moindre mesure du dysprosium et du terbium pour les applications de haute performance.
Sans terres rares, pas d’aimants et pas de moteurs électriques
Les usages de ces aimants sont multiples : ils permettent la miniaturisation (électronique, robotique) et la fabrication d’équipements clés (générateurs d’éoliennes, moteurs des véhicules électriques, transformateurs…). Ils sont aussi essentiels pour les lasers et de nombreux équipements militaires.
Pour tenter de retrouver un début de souveraineté industrielle, il faut donc construire de toutes pièces une filière qui va des mines aux usines de traitement et de raffinage. Le réveil est à la fois tardif et douloureux. Pour le moment, la Commission européenne et les pays de l’Union en sont aux mots, aux annonces et aux programmes de recyclage à venir. Et les choses viennent singulièrement de se compliquer puisque la Chine a interdit la semaine dernière les exportations de technologies d’extraction et de séparation des terres rares.
Des restrictions des exportations de graphite
Cette nouvelle réglementation doit en théorie s’appliquer jusqu’à fin octobre 2025. Elle prévoit que les exportateurs ont l’obligation de transmettre de nombreux détails concernant leurs transactions commerciales. A commencer par les types et les quantités de terres rares exportées, leur destination, y compris le port où elles seront dédouanées, la date de signature du contrat et celle de l’expédition des marchandises.
Autant d’éléments qui peuvent permettre de bloquer un chargement qui déplairait à Pékin. Même si, en l’état actuel des choses, il n’est pas question de mettre en place un système de licence d’exportations comme c’est déjà le cas pour le graphite et deux métaux stratégiques le gallium et le germanium.
Pékin a annoncé en octobre 2023 qu’il exigerait dorénavant des licences d’exportation pour certains produits à base de graphite, qui n’est pas une terre rare mais un matériau dit critique, afin de protéger la sécurité nationale. On ne peut pas fabriquer de véhicule électrique sans graphite. Il y a environ 90 kilos de graphite dans une batterie classique lithium-ion de 400 kilos qui alimente une voiture électrique. Et pour les obtenir, il faut traiter une tonne de minerai.
Drainage minier acide extrêmement polluant
Cette décision faisait suite à l’annonce, en juillet 2023, de restrictions à l’exportation de gallium et de germanium à partir du mois d’août, citant des problématiques de sécurité nationale, ce qui a eu pour effet d’étouffer les expéditions internationales de ces métaux destinés à la fabrication de puces électroniques.
L’Europe et les États-Unis tentent de se passer des terres rares produites par la Chine et de se doter de filières souveraines de production et de traitement. Selon les données de l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), la Chine représentait 70% de la production minière mondiale de terres rares en 2022 et 85% de leur raffinage. La Chine exploite notamment des gisements d’argile dans le sud du pays. Les terres rares y sont principalement exploitées selon une technique appelée « lixiviation en tas ». Une technologie qui a un impact considérable sur l’environnement du fait notamment du drainage minier acide.
Pékin contrôle son approvisionnement en terres rares en émettant des quotas, généralement deux fois par an, ce qui est également un moyen de résoudre les problèmes de longue date liés à l’exploitation minière illégale. Le quota annuel de terres rares de la Chine pour la production minière ainsi que pour la fusion et la séparation s’élevait en 2023 à 240.000 tonnes et 230.000 tonnes, respectivement, soit une augmentation de 14% sur un an, contre une progression annuelle de 25% en 2022.