La semaine dernière, comme tous les deux ans, se tenait le World Nuclear Exhibition, le salon mondial du nucléaire civil. Et pour cette édition 2023, la ville de Paris a été choisie pour accueillir l’événement rassemblant la quasi-totalité des industriels du secteur. Si l’absence du russe Rosatom a été remarquée, sans être une surprise après l’invasion de l’Ukraine, le reste de l’écosystème de l’atome s’est retrouvé pendant trois jours en France afin notamment de présenter les dernières avancées technologiques.
Côté français, les mastodontes EDF, le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique) ou Orano étaient très visibles pour présenter l’avancée de leurs recherches dans des domaines où ils jouent les premiers rôles. Mais ils étaient surtout accompagnés par un grand nombre d’entreprises de tailles plus modestes présentant des ébauches de ce que pourrait être le nucléaire de demain. Hexana, Stellaria, Naarea…
« Réacteurs nucléaires innovants »
Le salon a été l’occasion d’annoncer six nouveaux lauréats du programme « réacteurs nucléaires innovants » soutenu par le programme France 2030. A savoir, le projet GTA, de Jimmy Energy qui veut restaurer la technologie graphite-gaz, le projet RF01 de Renaissance Fusion développant un module de 1.000 MW utilisant la fusion Deutérium-Tritium, le projet Calogena de la société du même nom souhaitant développer un réacteur de 30 MW destiné à fournir de la chaleur décarbonée aux réseaux urbains de chauffage, Hexana de l’entreprise éponyme développant un réacteur de 4ème génération, ONE (Otrera Nuclear Energy) qui a le même objectif et enfin Blue Capsule développant un réacteur à hautes températures.
Après avoir été à l’initiative de l’alliance européenne pour promouvoir cette source d’énergie décarbonée, la France veut prouver son grand retour au sein des leaders technologiques de l’atome après une éclipse de deux décennies orchestrée par les gouvernements successifs. Mais tout cela ne s’est pas déroulé sans accroc…
L’accroc Arabelle
Il était ainsi envisagé de profiter de l’occasion pour officialiser le rachat par EDF de Steam Power. Cette filiale de General Electric rappelle un passé douloureux. C’est elle qui a racheté en 2015 les activités stratégiques de fabrication des turbines Arabelle, les plus puissantes au monde (voir photographie ci-dessus), qui équipent les centrales françaises et celles de nombreux autres pays. Leur cession orchestrée par un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, est considérée comme une faute politique et économique.
Ce rachat, annoncé avant l’élection présidentielle pour effacer une tâche sur le bilan du Président sortant, permet de de faire revenir dans le giron français la conception et la fabrication de cette pièce majeure d’une centrale électro-nucléaire. Mais elle se heurte à des obstacles géopolitiques inattendus… depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
General Electric, en proie à de grandes difficultés et récemment scindé en plusieurs sociétés, est toujours vendeur. Le problème se trouve du côté d’EDF, sommé par Emmanuel Macron de racheter les turbines Arabelle. Le problème, c’est que le carnet de commande de Steam Power est majoritairement rempli aujourd’hui par… les commandes du russe Rosatom. En théorie, le nucléaire échappe, pour le moment, aux sanctions internationales contre Moscou. Mais rien ne garantit que cela va perdurer et si ce n’était pas le cas, le chiffre d’affaires de Steam Power s’effondrerait. L’officialisation du rachat, prévue le 1er décembre, a donc été repoussée à une date non communiquée… Mais cela permettra peut-être d’obtenir un prix de rachat revu à la baisse.
Philippe Thomazo