L’énergie hydroélectrique a été qualifiée il y a deux ans par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de « géant endormi ». A juste raison, elle est encore dans le monde la source d’électricité renouvelable la plus importante mais son déclin est évident, du fait des problèmes de sécheresse et plus encore d’oppositions locales et politiques de plus en plus farouches à la construction de nouveaux équipements. La construction dans le monde de grands barrages, fierté des pays en développement au siècle dernier, est en chute libre. Mais cela ne veut pas dire que le potentiel hydroélectrique ne peut pas être développé et surtout modernisé.
Le plus important parc hydroélectrique de l’Union Européenne, mais vieillissant
C’est notamment le cas de la France qui dispose du plus important parc hydroélectrique de l’Union Européenne avec une puissance de 25,4 gigawatts, plus d’un tiers de celle du parc nucléaire (61,4 GW). Mais ce parc est vieillissant. En le modernisant, il serait possible de le rendre plus performant pour des investissements qui resteraient relativement raisonnables. La production hydroélectrique, même tombée en 2022 à un plus bas historique depuis 1976 en raison de la sécheresse, a représenté 11% de la production électrique en France.
En outre, l’hydroélectrique présente de nombreux avantages. C’est une source d’énergie bas carbone qui assure des puissances importantes. Certes, elle est intermittente mais pas aléatoire comme l’éolien et le solaire. Elle peut être activée en fonction de la demande. C’est même le moyen de production électrique le plus rapide à être mis en activité. Il suffit de quelques minutes pour lancer les turbines et produire de grandes quantités d’électricité pour répondre à un pic de demande. Voilà pourquoi la volonté gouvernementale de produire plus d’électricité hydraulique est une excellente nouvelle.
Encore un affrontement avec la Commission européenne
Mais pour cela, comme toujours dans l’énergie, il va falloir gagner une bataille politique à Bruxelles contre les institutions européennes qui ne sont pas pour rien dans le marasme dans lequel se retrouve aujourd’hui le parc hydroélectrique français. La Commission européenne au nom toujours de sa doctrine de la concurrence, qui a mis à mal le marché européen de l’électricité, presse depuis le milieu des années 2000 Paris de mettre en concurrence ses concessions de barrages. Résultat, EDF a réduit considérablement ses investissements.
Le parc hydraulique est constitué pour l’essentiel d’environ 340 ouvrages exploités en concession de service public. La majorité est concédée à EDF (70% de la production hydroélectrique nationale), les autres à Engie via ses filiales, la Compagnie nationale du Rhône (autour de 25%) et la Société hydro-électrique du Midi (moins de 3%).
Ces contrats ont été « passés par l’État au siècle dernier et viennent progressivement à échéance » explique la Cour des comptes dans un rapport publié en février dernier. « Trente-huit concessions sont déjà échues » a relevé le 19 juillet dernier la députée (MoDem) Marina Ferrari, lors d’une audition du Pdg d’EDF Luc Rémont à l’Assemblée nationale. Après deux mises en demeure européennes en 2015 et 2019, le dossier patine…
Le régime de l’autorisation plutôt que la concession
EDF propose que les ouvrages soient exploités sous le régime de l’autorisation, comme « dans la plupart des pays européens », ce qui permettrait de libérer les investissements, a expliqué Luc Rémont. « Le régime des concessions en lui-même bloque les investissements », a-t-il expliqué. Ce régime contraint à remettre l’ouvrage en concurrence s’il doit faire l’objet d’un investissement substantiel, visant par exemple à augmenter sa puissance. De quoi freiner les grands projets de modernisation.
« Au moment où le pays a besoin de plus d’énergies décarbonées commandables (…) il est souhaitable pour le pays et même pour l’Europe que nous soyons capables de reprendre les investissements significativement dans le domaine de l’hydraulique ». a insisté M. Rémont. « Notre pays a encore du potentiel dans le domaine de l’hydraulique », qui ne nécessiterait « pas forcément des constructions » nouvelles, mais des « transformations » comme des « réhausses » de barrages avec un « impact environnemental limité », a-t-il ajouté.
Donner la priorité aux STEP
Et puis il y a les STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage. La France en exploite six aujourd’hui, pour une capacité de production instantanée de 5.000 MW (l’équivalent de cinq réacteurs nucléaires). Elles jouent un rôle majeur car l’électricité ne se stocke pas. Elle se transforme chimiquement (batteries, hydrogène…) ou mécaniquement de façon hydraulique. Et il n’existe pas des dizaines de technologies utilisables à très grande échelle, à celle des besoins en électricité d’une métropole, d’une région, d’un pays. La seule ayant fait l’objet d’un déploiement à grande échelle est le stockage hydraulique: utiliser l’excédent d’électricité pour remplir des réservoirs pouvant être utilisés ensuite pour produire de l’énergie à la demande en faisant tourner des turbines.
La France en fait enfin une priorité. Le « potentiel de développement est encore très important avec au moins 500 mégawatts d’augmentation de puissance et 1.500 MW de capacités en STEP à l’horizon 2035. Et d’autres projets sont à l’étude pour ajouter 2 GW au-delà », a expliqué Emmanuelle Verger, directrice d’EDF Hydro.