Dans l’indifférence quasi générale, le réacteur numéro 1 de la centrale de Chooz (voir la photographie ci-dessus) a été reconnecté au réseau en milieu de semaine dernière. Cette reconnexion permet à la centrale de produire à pleine puissance dès cette semaine pour la première fois depuis plus de 500 jours.
Mais plus marquant, il s’agit du dernier réacteur du palier dit «N4» à revenir en production sur le réseau. Palier qui est à la fois le plus récent, le plus puissant du parc français (1.450 MW par réacteur), mais surtout celui sur lequel le problème de corrosion sous contrainte a été identifié fin 2021 et qui n’a ainsi rien produit en 2022. Il existe quatre réacteurs, sur les 56 du parc, de cette génération deux à Civaux et deux à Chooz. Leurs constructions ont commencé entre 1984 et 1991 et leurs raccordements au réseau ont été effectués entre 1996 et 1999.
Fin des lourds travaux de réparation sur les réacteurs les plus puissants du parc
Ce retour marque donc de facto la fin des lourds travaux de réparation des plus puissants réacteurs sur lesquels la France peut compter avant l’entrée en service de l’EPR de Flamanville l’an prochain… si tout va bien. Et tout cas, être capable en 17 mois d’identifier, caractériser, trouver une solution et réparer un problème de cette ampleur est un défi industriel qui aura été relevé haut la main par toute l’industrie nucléaire, démontrant s’il était encore nécessaire de le faire, ses capacités à faire face à la plupart des aléas.
Bien entendu, ce symbole ne saurait s’apprécier qu’en regardant la capacité de production du parc par rapport à l’an dernier. Et une nouvelle fois, la différence est frappante. La production nucléaire a ainsi atteint 25 TWh en avril 2023, en hausse de 14,7% par rapport à 2022. D’excellents résultats qui permettent de replacer la France comme étant le principal exportateur d’électricité en Europe, mais aussi de préparer avec beaucoup plus de sérénité l’hiver prochain.
Finir l’ensemble des travaux et les opérations de maintenance avant l’hiver prochain
Car il s’agit bien de l’enjeu sous-jacent: les mois actuels, avec une consommation basse grâce à l’absence de chauffage, doivent être mis à contribution pour effectuer l’ensemble des travaux (modernisation, rechargement de combustible, etc…) pour assurer une disponibilité maximum du parc durant les mois froids à venir.
La même prévenance doit être observée par ailleurs avec les stocks d’eau des barrages hydroélectriques. La gestion d’un réseau électrique est une affaire de vision à long terme.
C’est dans cette optique que 22 réacteurs sont actuellement à l’arrêt, et qu’une vingtaine d’autres doivent encore s’arrêter afin d’avoir redémarré avant la fin de l’automne.
Une première étape
La prouesse du redémarrage de l’ensemble du palier N4 n’est donc qu’une première étape d’une véritable course contre la montre, qui doit permettre au pays de disposer à nouveau d’une source de production d’électricité quasi intégralement décarbonée lui permettant d’affronter les besoins de l’hiver quels que soit les rebondissements géopolitiques. Dans un pays touché par la sinistrose, ce genre de résultat fait du bien à toute une filière, souvent décriée.
Philippe Thomazo