Les sanctions prises contre les exportations de pétrole et de carburants raffinés russes ne fonctionnent pas ou mal. Il suffit de constater que depuis leur mise en place les prix du baril sont restés quasiment stables et que la pénurie annoncée de produits pétroliers raffinés, notamment de diesel, ne s’est pas concrétisée.
La raison en est simple et détaillée dans un rapport publié il y a quelques jours par le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA ou Centre de la recherche sur l’énergie et l’air propre). Le CREA est un institut de recherche indépendant basé en Finlande.
Cinq pays ont ainsi considérablement augmenté leurs importations de pétrole et de produits pétroliers russes depuis l’invasion de l’Ukraine et en revendent une partie à des pays qui sont partie prenante de l’embargo pétroliers contre Moscou. Il s’agit de la Chine, l’Inde, les Émirats arabes unis, la Turquie et Singapour qui absorbent 70% des exportations de pétrole brut de la Russie.
Augmentation spectaculaire des achats européens à la Chine, l’Inde, les Émirats arabes unis, la Turquie et Singapour
Un an après l’invasion de l’Ukraine, les pays de la coalition ayant imposé un prix plafond aux exportations de pétrole russe, notamment l’Union européenne (UE), l’Australie, le Japon, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis ont augmenté de façon spectaculaire leurs importations des cinq pays «blanchisseurs», de 80% ou de 20,5 milliards de dollars par rapport à la même période entre 2021 et 2022. Et plus particulièrement pour les produits pétroliers, les importations de Chine ont augmenté de 94%, de 43% de Turquie, de 33% de Singapour, de 23% des Émirats arabes unis et de 2% d’Inde. L’UE est le plus grand importateur de ces produits raffinés (diesel, kérosène, essence), suivie par l’Australie. Et la plupart des produits blanchis voyagent sur des navires européens.
L’UE a ainsi acheté pour 19,3 milliards de dollars de ces produits d’origine russe au cours des 12 mois qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, suivie par l’Australie, 8,74 milliards de dollars, les États-Unis, 7,21 milliards de dollars, le Royaume-Uni, 5,46 milliards de dollars et le Japon, 5,24 milliards de dollars. «L’UE, le G7 et l’Australie continuent d’importer des combustibles fossiles russes sous forme de produits pétroliers raffinés en provenance de pays tiers et autorisent le transport sur leurs navires et via leurs assurances», explique Isaac Levi, co-auteur du rapport.
Financer la guerre
Pour le CREA, ces opérations de «blanchiment» sapent la mise en place d’un embargo et d’un plafonnement des prix du pétrole russe et financent de fait la guerre. «Il s’agit actuellement d’un moyen légal d’exporter des produits pétroliers vers des pays qui imposent des sanctions à la Russie, car l’origine du produit a été modifiée… Ce processus permet d’alimenter le trésor de guerre de Poutine.» Les pays «blanchisseurs» ont évidemment une part de responsabilité dans ces pratiques, mais les acheteurs également qui ne sont pas dupes… Pour preuve, les exportations de produits pétroliers des cinq pays dénoncés ont augmenté de 26% vers les pays de la coalition ayant décidé des sanctions. Mais leurs exportations vers les pays n’appartenant pas à cette coalition n’ont augmenté que de 2%.
Au début du mois, l’agence Reuters a montré à partir de statistiques maritimes, que depuis la mise en place de l’embargo le 5 février dernier, les importations européennes de diesel et de kérosène d’Inde ont atteint 200.000 barils par jour. A comparer, aux 154.000 barils par jour importés avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.