<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’électrification de l’industrie lourde s’accélère

8 avril 2023

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : sidérurgie wikimedia commons
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L’électrification de l’industrie lourde s’accélère

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La décarbonation passe par l’électrification des usages pour réduire l’utilisation des carburants fossiles. L’industrie lourde est en première ligne et même si le défi technologique comme économique est difficile à relever, la mutation se fait finalement bien plus rapidement qu’attendu. Problème, il va falloir produire suffisamment d’électricité et trouver des leviers pour l’augmenter rapidement.

Dans la lutte pour la neutralité carbone, l’industrie est un enjeu majeur. Même si la France s’est considérablement désindustrialisée depuis trois décennies, elle représente encore pas moins de 19% des émissions de gaz à effet de serre.

Dans cette optique, la France a un atout majeur, elle est l’un des rares pays au monde à produire à plus de 90% une électricité bas carbone (nucléaire, hydraulique et renouvelable). L’industrie fonctionnant principalement avec gaz, voire parfois au charbon dans le cas des hauts-fourneaux, son électrification permettrait de verdir la production. Les scénarios de neutralité carbone insistent donc tous sur les besoins d’électrification des activités industrielles afin d’atteindre les objectifs climatiques. Mais nul n’avait imaginé que le virage pourrait être pris si rapidement…

Une conséquence inattendue de l’invasion de l’Ukraine et de l’envolée des prix du gaz

C’est une des conséquences inattendues de la guerre en Ukraine et de son impact sur les prix du gaz. Cela a fortement incité l’industrie française à accélérer le processus d’électrification de ses usages. Et d’après les derniers chiffres de RTE (Réseau de transport d’électricité), pas moins de 18 GW de demandes de raccordement lui sont parvenus pour des usages industriels depuis un an… A titre de comparaison, les raccordements industriels préexistants ne s’élèvent qu’à 15 GW. Ce qui montre l’ampleur de la mutation en cours.

Dans ces demandes, on retrouve par exemple deux raffineries de Total Energies qui s’apprêtent à remplacer l’hydrogène nécessaire à leur activité aujourd’hui produit par vaporeformage de gaz (9 kilos de CO2 émis par kg d’hydrogène fabriqué) à une production par électrolyse (2,7 kilos de CO2 en moyenne pour 1 kilo d’hydrogène). Mais aussi l’électrification des hauts fourneaux de Dunkerque et Fos-sur-Mer, celle de la nouvelle usine de production de panneaux photovoltaïques Carbon toujours à Fos, ou celle des nouvelles giga factory de batteries dans le nord de la France.

Trouver des leviers pour augmenter la production d’électricité

Si ces changements majeurs sont une excellente nouvelle autant pour les objectifs carbone du pays que pour son image, ils représentent malgré tout un défi énorme. Les besoins en électricité vont ainsi augmenter de façon très importante dans les prochaines années (de l’ordre de 100 TWh selon les premières estimations uniquement pour les dossiers déjà déposés et connus), et ce dans un laps de temps très court.

Après une année 2022 marquée par une baisse de la production électrique, entre les aléas du nucléaire et la sécheresse grevant les capacités de l’hydroélectricité, produire suffisamment devient dès lors un énorme challenge. En particulier en ayant en tête que les chantiers des nouveaux réacteurs nucléaires ne permettront une entrée en production, au mieux, qu’en 2035.

Dès lors, les leviers activables ne sont pas légions. Nous pouvons citer:
Le nucléaire historique qui devra revenir à ses meilleurs niveaux (400 TWh de production annuelle).
L’augmentation de puissance des réacteurs existants pourrait permettre d’aller gagner 20 TWh supplémentaires.
La modernisation de nos installations hydroélectriques qui devrait aussi permettre de gagner 20 TWh.
Les mesures d’économies d’énergies et de gain d’efficacité (éclairage LED, pompes à chaleur…), devront s’accentuer pour offrir des marges de manœuvre et «faire de la place» à l’industrie.
Les énergies renouvelables (éolien terrestre et marin, photovoltaïque, géothermie, biomasse…) devront continuer à être déployées pour fournir un appoint bienvenue. Notamment afin de gérer au mieux les ressources hydrauliques et permettre de disposer de la pleine puissance des capacités de production pilotable lors des pics de consommation (en hiver).

La France semble donc avoir pris un virage extrêmement encourageant dans la décarbonation et la pérennisation de ses capacités industrielles restantes. Le pays possède les armes pour y arriver avec une électricité très décarbonée. A condition de ne pas réitérer les erreurs du passé sur l’anticipation des besoins et des capacités de production à construire.

Philippe Thomazo

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