Le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) peut sembler accablant. Il décrit comment la hausse des températures liée à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre provenant des activités humaines a des effets rapides et étendus sur la météorologie, le climat et les écosystèmes dans toutes les régions de la planète. Il montre que les risques augmentent plus rapidement que prévu par les scientifiques. Les températures mondiales sont maintenant 1,1 degré Celsius (2 degrés Fahrenheit) plus élevées qu’au début de l’ère industrielle. Les vagues de chaleur, les tempêtes, les incendies et les inondations affectent l’humanité et les écosystèmes. Des centaines d’espèces ont disparu à mesure que les températures augmentent, et le changement climatique provoque des changements irréversibles dans la banquise, les océans et les glaciers. Dans certaines régions, il devient de plus en plus difficile de s’adapter aux changements.
Néanmoins, il y a des raisons d’être optimiste –la baisse des coûts des énergies renouvelables commence à transformer le secteur de l’énergie, par exemple, et l’utilisation des véhicules électriques se développe. Mais le changement ne se produit pas assez vite, et la fenêtre pour une transition en douceur se referme rapidement, prévient le rapport du Giec. Pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, il indique que les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront chuter de 60 % d’ici 2035 par rapport aux niveaux de 2019. C’est dans 12 ans.
La façon dont les générations actuelles et futures seront affectées par un monde plus chaud dépend de choix faits maintenant et dans les années à venir. Les scénarios montrent les différences de température prévues en fonction du niveau des émissions. Sixième rapport d’évaluation du GIEC
Dans son nouveau rapport publié le 20 mars 2023, le Giec fait une synthèse d’une série de travaux rédigés au cours des huit dernières années par des centaines de scientifiques qui ont étudié les dernières données et recherches. Voici quatre éléments essentiels de ce rapport selon certains de ses coauteurs, chacun mettant en avant un aspect différent des changements en cours et discutant des solutions.
1) Des tempêtes et des inondations de plus en plus intenses
Bon nombre des catastrophes naturelles les plus marquantes de ces dernières années ont entraîné des pluies intenses et des inondations. En Europe, une tempête en 2021 a déclenché des glissements de terrain et vu des rivières se précipiter dans des villages qui existaient depuis des siècles. En 2022, environ un tiers du Pakistan était sous l’eau et plusieurs communautés américaines ont été frappées par des inondations soudaines extrêmes. Le Giec avertit dans le sixième rapport d’évaluation que le cycle de l’eau continuera de s’intensifier à mesure que la planète se réchauffera. Cela inclut des précipitations de mousson extrêmes, mais aussi une sécheresse croissante, une plus grande fonte des glaciers de montagne, une diminution de la couverture de neige et une fonte des neiges plus précoce, écrit Mathew Barlow, climatologue à UMass-Lowell, co-auteur du rapport d’évaluation examinant les changements physiques.
Les précipitations annuelles moyennes devraient augmenter dans de nombreuses régions à mesure que la planète se réchauffe, en particulier dans les latitudes les plus élevées. Sixième rapport d’évaluation du GIEC
2) Plus le délai sera long, plus le coût sera élevé
Le Giec a souligné dans ses rapports que les activités humaines réchauffent sans équivoque la planète et provoquent des changements rapides dans l’atmosphère, les océans et les régions glacées du monde. «Les pays peuvent soit planifier leurs transformations, soit faire face aux transformations destructrices, souvent chaotiques, qui seront imposées par le changement climatique», écrit Edward Carr, chercheur à l’Université Clark et co-auteur de la partie du rapport du Giec sur l’adaptation.
Plus les pays attendent pour réagir, plus les dommages et les coûts pour les contenir seront importants. Selon une estimation de l’Université Columbia, le coût de l’adaptation nécessaire pour les zones urbaines se situerait entre 64 et 80 milliards de dollars par an –et le coût de l’inaction à 10 fois ce niveau d’ici le milieu du siècle. «L’évaluation du GIEC offre un choix difficile», écrit Carr. «L’humanité accepte-t-elle ce statu quo désastreux et l’avenir incertain et désagréable vers lequel elle mène, ou prend-elle les rênes et choisit-elle un avenir meilleur?»
3) Le secteur des transports est un bon point de départ
Un secteur crucial pour réduire les émissions de gaz à effet de serre est le transport. Réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro net d’ici le milieu du siècle, un objectif jugé nécessaire pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 °C, nécessitera «une refonte majeure et rapide de la façon dont les gens se déplacent à l’échelle mondiale», écrit Alan Jenn, spécialiste des transports à l’Université de Californie à Davis et co-auteur de la partie du rapport du Giec traitant de l’atténuation.
Il y a des signes positifs. Les coûts des batteries pour les véhicules électriques ont baissé, ce qui les rend de plus en plus abordables. Aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act de 2022offre des incitations fiscales qui réduisent les coûts pour les acheteurs de véhicules électriques et encouragent les entreprises à augmenter leur production. Et plusieurs États envisagent de suivre l’exigence de la Californie selon laquelle toutes les nouvelles voitures et camions légers doivent être à zéro émissions d’ici 2035.
Les coûts des principales formes d’énergie renouvelable et des batteries de véhicules électriques ne cessent de baisser et l’adoption de ses technologies augmente. Sixième rapport d’évaluation du GIEC
«Des changements comportementaux et systémiques seront également nécessaires pour réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur», écrit Jenn. Par exemple, de nombreux pays ont vu leurs émissions liées au transport diminuer pendant la COVID-19, car davantage de personnes ont été autorisées à travailler à domicile. Le partage de vélos dans les zones urbaines, les villes favorables aux transports en commun et la prévention de l’étalement urbain peuvent aider à réduire encore plus les émissions. L’aviation et le transport maritime sont plus difficiles à décarboniser, mais des efforts sont en cours. Il ajoute toutefois qu’il est important de se rappeler que l’efficacité de l’électrification des transports dépend en fin de compte de la modernisation des réseaux électriques.
4) Les raisons d’être optimiste
Le rapport du Giec traite de plusieurs autres mesures importantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment la substitution des combustibles fossiles par des sources renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et celle de la production alimentaire, ainsi que les moyens de s’adapter aux changements qui ne peuvent plus être évités. Il y a des raisons d’être optimiste écrivent Robert Lempert et Elisabeth Gilmore, co-auteurs de la partie du rapport du Giec sur l’atténuation.
«Par exemple, les énergies renouvelables sont maintenant généralement moins chères que les carburants fossiles, de sorte qu’un passage à l’énergie propre peut souvent permettre d’économiser de l’argent», écrivent-ils. Les coûts des véhicules électriques sont en baisse. Les collectivités et les infrastructures peuvent être repensées pour mieux gérer les catastrophes naturelles comme les feux de forêt et les tempêtes. La divulgation de leurs risques climatiques par les entreprises peut aider les investisseurs à mieux reconnaître les dangers et à pousser ces entreprises à renforcer leur résilience et à réduire leur impact climatique.
«Le problème est que ces solutions ne sont pas déployées assez rapidement», écrivent Lempert et Gilmore. «En plus de la résistance des industries, la peur du changement a contribué à maintenir le statu quo.» Pour relever le défi, disent-ils, il faut d’abord adopter l’innovation et le changement.
Stacy Morford Environment + Climate Editor
Interviewés
Alan Jenn Assistant Professional Researcher in Transportation, University of California, Davis
Edward R. Carr Professor and Director, International Development, Community, and Environment, Clark University
Elisabeth Gilmore Associate Professor of Climate Change, Technology and Policy, Carleton University
Mathew Barlow Professor of Climate Science, UMass Lowell
Robert Lempert Professor of Policy Analysis, Pardee RAND Graduate School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons Lire l’article original sur The Conversation (en anglais).